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Hermann de Metz, un évêque au cœur de la Querelle des Investitures

  • Photo du rédacteur: Charles Dupont
    Charles Dupont
  • 12 oct.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 30 nov.

À la fin du XI siècle, l'Occident chrétien est secoué par une profonde période de crise entre la papauté et Saint-Empire romain germanique : la Querelle des Investitures. Derrière ce conflit qui prend les allures d'une lutte armée, polémique et idéologique, des figures d'évêques comme Hermann de Metz émergent et incarnent avec force les tensions entre ces deux pouvoirs de la chrétienté latine.



Une rivalité issue de deux visions divergentes de l'Eglise

Le pontificat de Léon IX (1049-1054) initie le vaste mouvement de transformation de l'Eglise plus connu sous le terme de réforme grégorienne en référence au pape Grégoire VII (1073-1085), principal artisan de cette réforme. Pour la papauté, le constat est clair : l'Eglise est malade, il faut la réformer pour renouer avec l'idéal antique de l'Eglise des origines. Pour ce faire, cette transformation doit passer par des axes majeurs comme la moralisation du clergé en luttant contre le nicolaïsme (mariage et concubinage des clercs) et la simonie (achat et vente des charges et biens ecclésiastiques), l'affirmation de l'autorité pontificale sur les souverains laïcs et la volonté de défendre un clergé libre de toute emprise laïque.


La réforme grégorienne donne naissance dès le XI siècle à des tensions de plus en plus vives en Europe dans la conception même de ce qu'est et doit être l'Eglise. En effet, cette vision portée par la papauté se heurte aux pouvoirs princiers qui ont une mainmise plus ou moins affirmée sur les affaires religieuses pour assurer la continuité de leur pouvoir.

C'est particulièrement le cas pour le Saint-Empire qui défend une vision d'une Eglise contrôlée par le souverain. Le système impérial est structuré autour du modèle de l'Eglise impériale appelé Reichskirchensystem. Les empereurs germaniques souhaitent renouer avec l'héritage carolingien qui se caractérise par un contrôle fort du souverain dans le domaine des affaires religieuses :

« L’Église nous a été confiée pour la diriger. » (Libri Carolini, v. 790-791)

Le pouvoir impérial repose ainsi sur le recrutement et la constitution d'un clergé compétent et dévoué à l'empereur qui peut donc se présenter comme le chef à la fois du pouvoir spirituel et temporel.



Hermann à la tête de l'évêché messin

En 1075, Grégoire VII organise un concile portant sur l'interdiction de l'investiture laïque, interdisant ainsi aux souverains de nommer les évêques et les abbés. La décision pontificale embrase la situation et l'empereur Henri IV décide de déposer le pape l'année suivante, qui le dépose à son tour. Le conflit est donc lancé en 1076 et va durer jusqu'en 1122.

Les évêques sont au cœur de cette querelle car dans le Saint-Empire, ce sont de véritables administrateurs, conseillers et seigneurs qui constituent les piliers du pouvoir impérial. Priver l'empereur de leur nomination, c'est ébranler tout le fonctionnement de l'Eglise impériale.

C'est dans ce moment de crise où le clergé impérial se fragilise et montre les premiers signes de déchirure que l'on retrouve la figure d'Hermann. Issu probablement d'un lignage comtal, il gravit les échelons en étant très proche du pouvoir impérial. Il bénéficie d'une bonne éducation politique, intellectuelle et religieuse le conduisant à être nommé évêque de Metz en 1073 par l'empereur Henri IV avec qui il entretient de bonnes relations. Hermann hérite d'un évêché messin puissant et prospère surpassant les évêchés de Toul et Verdun, alors plus modestes. En effet, l'évêché de Metz regroupe beaucoup d'abbayes bénédictines et possède au XI siècle de larges possessions en Lorraine, en Alsace et en Sarre.



denier de l'évêque Hermann de Metz

Denier de l'évêque Hermann de Metz : croix au nom de l'évêque et buste de saint Étienne. (Source : gallica.bnf.fr / BnF)



Hermann contre l'empereur

Si au départ Hermann se range plutôt du côté du camp impérial, la Querelle des Investitures va modifier la balance. Lors de la condamnation du pape en 1076 par Henri IV lors de l'assemblée de Worms, Hermann, d'abord opposé, se voit être contraint de voter favorablement à cette condamnation. Peu de temps après le vote, il demande rapidement pardon à Grégoire VII pour son geste. Son attitude provoque une hausse des tensions entre l'empereur et son évêque messin favorable au camp pontifical. C'en est trop pour Henri IV qui chasse une première fois Hermann de son évêché en 1078. Réintégré à Metz quelques temps après, l'évêque reçoit le soutien du pape avec qui il entretient une correspondance, renforçant l'animosité envers son empereur. Grégoire VII lui adresse une célèbre lettre en 1081 qui dénonce d'une part les souverains, présentés comme corrompus par l'orgueil et la gloire et exalte d'autre part le pouvoir pontifical montré comme la seule autorité légitime sur les princes.

Henri IV dépose une nouvelle fois Hermann en 1085 et en 1087. À chaque fois, Hermann est remplacé par un évêque impérial dévoué à l'empereur. Cependant, ces nominations imposées provoquent la colère des Messins, aboutissant à l'expulsion de l'évêque nommé par l'empereur et au retour d'Hermann. Ce dernier revient définitivement en 1089 et reste à la tête de l'évêché jusqu'en 1090, année de sa mort.


Par sa figure, Hermann met en lumière la Lotharingie comme un espace à la croisée des influences pontificales et impériales, apparaissant comme un véritable laboratoire de la réforme de l'Eglise marqué d'une part par l'opposition de certains clercs au pouvoir impérial et d'autre part, le rejet du modèle grégorien par l'empereur. Si la Querelle des Investitures s'achève en 1122 avec le Concordat de Worms, la paix entre le sacerdoce et l'Empire est encore loin d'être pleinement résolue et les conflits vont continuer tout au long des XII et XIII siècles. Sources utilisées PARISSE Michel et HARI Arnaud, 2015. Catalogue historique des évêques de Metz. Le Moyen Âge. Paris : LAMOP. PARISSE Michel (dir.), 1977. Histoire de la Lorraine. Toulouse : Édouard Privat (Collection : Univers de la France et des pays francophones, n°38).

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